• Ce jour j'écris le dernier épisode de mon enfance, jusqu'à ma majorité. Je m'arrêterai là.

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    Je vécus ainsi sept longues années pendant lesquelles je n'eus aucune relation avec l'extérieur. Les projets que je fis furent rares et de toute façon ils tombèrent à l'eau les uns après les autres. Madame Mère n'était décidée à en réaliser aucun. Tout ce qui lui importait était que je ne dise rien, ne demande rien, ne fasse pas de bruit ni de vagues (je n'en fis pas et subis ma douloureuse condition sans essayer d'en sortir, sans me rendre compte que je fichais ma vie en l'air) que je sois soumise et obéissante était mon lot habituel.

    Je devais laver les carrelages quand j’avais du temps entre l’alimentation des feux de la maison, mais jamais n’avais à faire la cuisine puisque Mère ne le permettait pas. Je faisais le repassage parfois.

    L’après-midi, en écoutant la radio, je profitai des « discours aux jeunes » que fit Pierre Mendès France vers mes dix sept ans et j'aimais beaucoup ces discours. Le soir, après avoir débarrassé la table et fait la vaisselle, je m’installai auprès du poste de radio pour écouter les « maîtres du mystère. » D’autres soirs c’était des pièces de théâtre. Ou d’autres émissions. Petit père s’endormait sur la table sitôt le diner terminé et se réveillait quand la pièce était terminée. Il prenait alors un bol de lait chaud et s’en allait se coucher. Moi de mon côté, j’éteignais la radio et prenais le chemin de mon lit à mon tour. Nous n’avions pas très chaud dans les chambres et je devais ajouter des couvertures sur le lit, parfois même, j’ajoutais ma robe de chambre pour avoir plus chaud. Maintenant, je ne pourrais plus vivre dans des conditions de froid pareilles.

                 Quand ma belle-sœur eut son premier enfant, je pus enfin me mettre à travailler au bureau, ce qui m’occupa au moins l’après-midi. J’avais seize ans et demi et ne fus déclarée à la sécurité sociale qu’à dix-huit ans. Je perdis ainsi un an et demi de cotisation retraite et cela me manque aujourd’hui puisque ça s’ajoute aux trois ans où je restai sans travailler après mon départ forcé par manque de travail puisque l’usine perdait de plus en plus de clients, et aussi par mes grossesses successives, trois. Madame Mère, toujours elle, s'opposa fermement à me déclarer au chômage et je perdis ainsi ces trois années qui auraient pu me donner des points de plus pour ma retraite qui, du coup, est très petite. Cela tomba après la naissance de mes deux fils et la naissance puis la perte de la petite fille qui arriva en troisième position, à cause du problème de « rhésus » qui existait encore. Une année plus tard, je n’aurais pas eu cette crainte puisque le sérum anti-rhésus sortit qui protégea désormais les enfants à naître.

    De plus « petite sœur » attendait elle-même son tour pour travailler au bureau. Tout cela contribuait à la mauvaise ambiance existante.

     

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    Je m'arrête là car je n'ai plus grand chose à raconter pour cette période de ma vie sans éclat, sans gaieté, sans intérêt.

    Merci à vous qui m'avez suivie.

    Je vous souhaite un bon mercredi.

     

    L Y D I A

     


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  • J'en suis arrivée à "Mère" 23ème. Si vous voulez voir cet épisode, c'est juste celui d'avant.

     

    J'arrête un instant ce récit pour vous montrer les deux premières œuvres (deux sur trois) du triptyque que j'aie commencé il y a trois semaines :

     

    Intermède

    Intermède

    Je n'avais jamais peint mais je désirais le faire.

    Apparemment, cela me réussit.

    Bonne journée,

    L Y D I A

     


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  • Après Pigier, je restai isolée à la maison, ne voyant plus que les ouvriers, mes parents, mes sœurs, mon frère, les représentants, les clients, les chauffeurs des camions des clients que mes parents invitaient à manger quand ils étaient encore sur place à l’heure du repas (ce qui ne me plaisait pas du tout.)  Vous trouvez que ça fait beaucoup de monde ? Je vous dis non. Les ouvriers, je les voyais contre mon gré à chacun de mes passages dans la salle des machines pour faire la réserve de bois pour la cuisinière ou pour remplir le "fourneau à son." Je leur faisais un signe de tête en guise de bonjour et c’était tout. J’avais honte de me trimbaler toute la matinée avec le fut plein de bois dans mes bras et encore plus quand je devais porter et ramener le fut du fourneau et le remplir de sciure. Eux étaient contents je pense, de voir une figure féminine dans leur univers.

    Ensuite, je devais l’allumer, garnir et regarnir sans arrêt la cuisinière de bois et, quand il faisait très froid, allumer la cheminée de la salle à manger et l’alimenter. Également, il fallait allumer les cheminées de chaque chambre, le soir avant de se coucher (j'adorais me coucher avec la lueur du feu dans la cheminée, je m'endormais avec joie, bercée par le crépitement du bois.) Ces cheminées s’éteignaient dans la nuit, la cuisinière aussi et, quand l’heure de se lever était venu, c’était dans le froid car tous les feux étaient éteints. Il fallait alors tout recommencer à zéro comme cela s’était passé la veille et comme cela se passerait le lendemain. Cela me prenait de nombreuses heures chaque jour.

    Ma famille, je la voyais tous les jours et toute la journée et c’était une habitude qui ne m’apportait rien de bon. J’y étais résignée. C’était ma vie à moi, pas rigolote. Les représentants, les clients, les chauffeurs des camions ne venaient pas en foule et ne m’apportaient rien de bon ou de mauvais. Ce n’est pas de tous ces gens-là que j’aurais eu besoin. D’ailleurs je ne les voyais pas forcément quand ils venaient sauf si c’était moi qui rédigeais le bordereau de livraison. Ce fameux bordereau qui m’agaçait tant.

                J’aurais eu besoin de rencontrer des jeunes, beaucoup de jeunes, mais il n’y en avait pas à l'horizon et ce ne fut pas réjouissant. Il y eut un jeune homme, marchand de meubles, qui vint pendant quelques temps. Il était beau et brun. Je lorgnais dans sa direction quand il venait et, un jour, il félicita petit père car il avait entendu, au jeu des « Cent mille francs » mon nom, car j’avais envoyé quelques questions qui furent posées aux candidats. Cela me fit plaisir mais ça s’arrêta là. J’étais trop bien gardée pour qu’il osât faire quoi que ce soit dans ma direction. Je crois que même les nonnes ne sont pas aussi bien gardées ni aussi bien surveillées que je le fus. C'était pour moi un genre de prison même pas dorée. Je n'apprenais rien, ma vie était stagnante et je n'entrevoyais pas le bout du tunnel. Cela dura jusqu'à mon mariage. Sept longues années de cet isolement détestable. Mais au moins, j'étais protégée de tous risques... Je me réfugiais dans le tricot dès que je le pouvais. "J'entendais parfois à la radio une chanson qui disait :

    - Moi j'tricote dans mon coin, j'suis idiote, j'suis idiote,

      Moi j'tricote dans mon coin, j'suis idiote et j'ne vois rien !"

                  Je trouvais que cela s'appliquait fort bien à mon cas.

     

    gifs couture.....

     

    bon mardi

     

    L Y D I A


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  •           Lors d'une kermesse, cette directrice cherchait quelqu'un pour tenir un stand de vente de petits objets. Mère se proposa. Elle se mit derrière la table et commença à regarder les articles en vente. Les prix affichés n'étaient pas assez hauts à son avis. Aussitôt, sans rien demander à personne ou à la directrice, elle changea les prix en les augmentant. Quand la directrice vit cela, elle tordit le nez. Mais elle n'osa rien dire à Mère qui vendit tous ces objets augmentés avec maestria. Elle fit une excellente recette. Du coup le rapport de la kermesse s'en trouva bien amélioré.

              Après la kermesse, la directrice organisa la sortie de fin d'année qui était prévue au "Mont Saint-Michel". Elle me demanda d'y aller. Mère commença par refuser. La Directrice prit son courage à deux mains pour lui téléphoner. La conversation dura parce que ma mère résistait. Après un quart d'heure de discussion, Mère finit par flancher et accepta.

              J'allais donc à cette sortie, en bus, avec mes copines. Elle avait emporté du pâté, des pommes de terre cuites entre autres. Comment fit-elle pour que cette nourriture ne s'abîme pas pendant les trois jours, je n'en sais rien mais ça se passa bien. Pourtant c'était en juin, il faisait chaud et les pommes de terre étaient là, je ne sais plus si elles étaient dans une glacière, peut-être mais je ne m'en souviens pas. Ce que je sais c'est que les pommes de terre ne se gardent pas longtemps une fois cuites.

              Du moins pour moi qui refusait le pâté puisque le médecin de Bordeaux m'avait interdit d'en manger. Je mangeais peu de choses en vérité et, surtout, je ne bus pas de cidre. Les autres filles, elles, en avaient bu plus qu'il n'est permis pour une fille de douze/treize ans. Elle étaient toutes malades. Certaines vomissaient, l'une d'elles s'étaient fait pipi dessus dans le bus. Ce n'était pas joli joli ! Moi j'étais là, imperturbable et sage.

              Au retour, la directrice félicita Mère pour sa fille qui avait été la seule à n'être pas malade. Je n'étais pas peu fière. Je ne me souviens plus de la réaction de Mère à cette conversation téléphonique. J'avais bien aimé cette sortie. Ce fut la seule que je fis pendant ma période scolaire mais je ne l'ai pas oubliée.

              Je suis retournée au Mont Saint-Michel plus tard dans ma vie et j'ai bien aimé aussi. Je n'y retournerai plus, surtout maintenant où c'est devenu plus compliqué. Je préfèrerais aller ailleurs. Tant de beaux endroits que je n'ai pas vus en France. Pourtant, ce n'est ça qui manque.

     

    http://www.icone-gif.com/gif/boisson/vins/vin005.gif

     

     

    BONNE SOIREE

     

    l y d i a


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  • Je dus redoubler la dernière année car trop jeune pour passer le certificat d'études. Je passai cet examen à treize ans et demi. A cet âge-là, j'aurais pu être en quatrième et n’aurais plus eu qu’un an à faire pour passer le B.E.P.C. J'aurais appris beaucoup plus de choses pendant ces trois années dont l'algèbre, l'anglais et autres matières intéressantes au lieu de végéter dans cette classe où j'appris, entre autres, qu'il fallait balayer tous les jours la cuisine et seulement tous les deux jours les chambres. Ce dont je me moquais complètement. Ne soyons pas injustes, j'appris d'autres choses aussi mais je ne me souviens plus quoi et ça m’est égal. La seule chose dont je sois fière, ce sont mes dons en orthographe et en grammaire. Je suis bien meilleure que d’autres qui ont eu le BEPC ou même le BAC.

    Pas autant quand même, que si j'étais allée en sixième. Sans compter que j'aurais pu aller jusqu'au baccalauréat et, si j'avais toujours été aussi bonne, l'avoir à dix-sept ans et demi. Mais cela n'était pas prévu dans les plans de madame Mère alors ne rêvons pas trop et oublions ces projets qu’il me fut impossible d’atteindre ! Quand même, si j’avais pu faire toutes ces études, j’aurais été une autre femme, de cela je suis sûre, et j’aurais eu une autre vie, j’en suis sûre aussi.

    Il n'empêche que tant d'années après, je regrette toujours mon ignorance de tant de savoirs qui m'empêchera toujours d'expliquer comme il convient certaines choses que je ressens ou que je voudrais décrire, employer certains mots plus sophistiqués que j'ignore, construire des phrases en sachant bien pourquoi je les construis de telle façon plutôt que de telle autre et bien d’autres choses.

    Quand j’écris, je suppose que ça n’a rien à voir avec ce qu’écrivent ceux et celles qui ont le bac, ou une licence de lettres, ou encore une maîtrise comme le font certains écrivains dont j’entends parler si bien à la radio ou à la télévision. Quoi que je n’en sois pas sûre à 100%. Je les admire car ils savent tout expliquer, chaque mot a une raison pour avoir été écrit de telle façon plutôt que de telle autre et ils ont l’air de tout savoir. Je regretterai jusqu'à ma mort ces études pas faites et dont le manque me poursuit. Malgré cela, j’écris moi-même et j’ai encore beaucoup à dire… À ma façon mais c’est toujours ça…

    Après la directrice pin-up qui prit sa retraite à la fin de ma première année, arriva une directrice d'un genre différent. Plus jeune, mère de quatre enfants, plus sympathique aussi et que j’aimais bien. Mais elle ne faisait pas très attention à sa tenue et sa toilette laissa parfois à désirer. De plus, elle était bien meilleure que la pin-up et que la vieille fille du C.M.

    Il est inutile que je m’étende sur ce sujet qui pourrait déplaire. Toujours est-il qu’elle me déçut parfois dans sa tenue. Elle me déçut aussi lorsque je quittais l’école. Elle me déçut encore quelques années plus tard quand elle fit une réflexion critique sur moi concernant mes fils que j’avais mis à la maternelle. Madame Mère me le rapporta et je pensai alors : « De quoi se mêle-t-elle ? »

    En fait, il y aurait beaucoup à dire sur le Corps enseignant. Leur manque de respect envers leurs élèves en est une. Leur autoritarisme en est une autre. Je n’ai eu, en tout et pour tout, que quatre institutrices différentes pendant ma période scolaire. Plus une à l’école privée où j’ai commencé ma scolarité, tenue par des sœurs. Cette école me plaisait bien et, si j’y étais restée, j’aurais pu aller jusqu’au B.E.P.C. puisqu’elle menait les élèves jusque là. Malheureusement pour moi. On ne put m’y laisser car je devais y prendre le déjeuner. C’était peu de temps après la guerre et il y avait des pois cassés tous les jours et de mousse au chocolat au dessert. Mon foie ne résista pas à ce régime. Mère m’enleva donc de cette école qui aurait pu être une chance pour moi. Elle me mit à l’école publique plus près de la maison où je pouvais rentrer le midi et ce fut moins bien. Cette école s’arrêtait au certificat d’études…

    Quand je passai ce certificat d'études, je le réussis du premier coup. Alors que je revenais à la maison, toute fière de l'annoncer à la famille, j'eus la désagréable surprise de voir ma mère faire la tête et s’en aller au lieu de me féliciter. Sans doute était-elle envieuse de ma réussite. Avait-elle agit de la même façon avec les autres membres de ma fratrie ? Je ne le sais pas mais cela me déçut encore une fois au-delà de tout.

     

     

    BONNE JOURNÉE

     

    L Y D I A

     


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