• Mère (8ème)

     

    Nous avons vu que madame Mère était une fermière hors pair. Une vraie paysanne fruste et mal léchée, arriérée et angoissée, comédienne aussi mais pas très bonne dans ce domaine. Elle en faisait trop et cela en devenait risible. Pour elle, toute notre vie devait s'organiser autour d'un seul besoin, le plus important : se nourrir : « Manger et encore manger » ; avoir des réserves, des conserves, des dizaines de kilos de sucre dont j’ai déjà parlé. Ses leitmotivs étaient les suivants :

     

    . 1. - La nourriture spirituelle : pas question (surtout qu’elle ne savait pas elle-même ce que cela recouvrait.)

    . 2. - L'entretien du corps et de l'esprit de même !

    . 3. - La musique n’était que du bruit !

    . 4. - La lecture n’était que bourrage de crâne qui montait à la tête et rendait fou ;

    . 5. - Le football : « Ce n’était, pour elle, que des imbéciles qui couraient après un ballon. »

    Et bien d'autres choses aussi négatives avec lesquelles je n'étais pas d'accord. Même si nous lisions, mon père ou moi, un livre policier (je ne sais comment il s’en trouva un entre nos mains) elle trouvait que c’était mal, nocif, que cela ne pouvait que nous donner de mauvaises idées et autres choses dans le genre. La psychologie de cette femme était totalement inexistante. Elle avait de drôles de façons de voir la vie. Et Dieu seul savait que c’était irréversible. Petit père et moi fûmes d’accord pour lui expliquer que lire n’était pas mauvais ; Tout en sachant très bien qu’il était inutile de tenter quoi que ce soit avec cette femme aux idées arrêtées une fois pour toutes sur des idées bornées et sans espoir.

    Elle reniait tout ce qui n'était pas « manger », avoir des provisions, économiser l'argent au maximum jusqu'à être vêtues, elle et nous, comme des miséreuses. Elle ne se préoccupait pas de son image à peine débarbouillée chaque matin, alors de la nôtre, vous pensez ! Et il valait mieux que nous ne nous occupions pas de la nôtre non plus. Pourtant, quand mon aînée s’apprêta, se maquilla et commença à se vêtir comme une princesse (grâce à nos cousins d’Algérie, les militaires, dont la femme savait coudre et tricoter et lui fit deux jupes en « forme » ce qui voulait dire un cercle parfait avec la taille au centre, comme ça se faisait : l’une d’elles était en moire noire dans laquelle elle était ravissante.)

    Quant à moi, j’eus l’idée saugrenue, un jour, de m’épiler légèrement les sourcils, petit père le vit et me passa un savon carabiné. Je n’eus pas intérêt à recommencer. C’était pourtant bien peu mais il l’avait vu et cela ne lui avait pas plu du tout.

    Pour en revenir au problème du ménage, l'entretien de la maison n'intéressait pas madame Mère. Je me souviens de la pièce noire (entre le bureau et la cuisine, face à l'entrée) et du souk immonde qui y régnait. C'était bien pire qu'un débarras. C'était innommable. Quand on entrait de l’extérieur, on se trouvait face à un grand rideau à fleur qui masquait tant bien que mal l’entrée de cette pièce.

    Le jour où ma cousine y entra, par curiosité je suppose, car elle devait en avoir très envie depuis pas mal de temps. Cette porte, toujours fermée, devait avoir suscité en elle un désir de voir et de savoir, qui arriv à son comble ce jour-là où elle ne put se retenir. Cela faisait trop longtemps qu’elle devait avoir une envie folle de savoir ce qu’il y avait là derrière. .

    Donc, elle y entra. Et elle resta interdite, choquée, pétrifiée ! Elle reprit ses esprits pour émettre une critique sans ménagement. Elle ne devait pas s’attendre à ça ! Elle en ressortit édifiée sur nos qualités de ménagères, déçue que sa curiosité ne lui ait pas amené quelque chose de meilleur et j'eus, pour ma part, la pire honte de ma vie.

    Après cela, quand mes cousines furent reparties en ville, je me mis en devoir de débarrasser cette pièce de tout le bazar qui l’encombrait (j’eus du mal, ce fut un gros travail.) Je la nettoyai du mieux que je pus en éliminant le maximum de choses possibles. Cela me prit du temps, plusieurs jours. Cette pièce ne devint pas une merveille pour autant; mais elle devint potable.

    Cette pièce avait été trop longtemps utilisée comme grenier et jamais personne n’y était entré pour y faire le ménage.

    http://bergamote.b.e.pic.centerblog.net/i4preki7.gif

     

    BONNE ET BELLE JOURNEE DE LUNDI 

     

    L Y D I A

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 7 Avril 2014 à 17:00

    Article très bien illustré ! wink2

    Bonne semaine et merci de ta visite, biz, Isa.

    2
    Mardi 8 Avril 2014 à 00:16

    Bonsor Lydia..je vois que tu continue tes mémoires, et tu as bien raison de le faire, si cela te permet d'évacuer ces sentiments qui remontent....effectivement, tu n'as pas eu une enfance ni une adolescence heureuses...je pense que tu aimais beaucoup ton père..bizarre qu'il se soit laisser mener ainsi par ta mère qui régentait toute la maisonnée on dirait...et pourquoi l'appelle-tu- "petit père ?" et pas papa..."Madame mère" marque beaucoup de mépris et de ressentiment, pour ne pas dire plus....On dirait que tu parles d'une étrangère...je pense que tous ces sentiments et frustrations ont beaucoup compté par la suite dans la construction de ta vie...un handicap..qu'il t'a fallu surmonter, ou bien mettre dans un coin, et ton mouchoir par-dessus comme on dit...bonne semaine, et à bientôt

    3
    Mardi 8 Avril 2014 à 02:55
    vivrenchine

    Bonjour Lydia

    j'ai les mêmes pensées que jackline

    Je te souhaite un très bon mardi Nos amitiés bises

    Qing&René

    http://mandarinsgz.canalblog.com

    4
    Ailonuages
    Mardi 8 Avril 2014 à 06:33

    Plus je lis, plus je me demande comment tu as réussi à te sortir de cela ? Bises Lydia

    5
    Mardi 8 Avril 2014 à 10:14

    Merci pour ton mail et ton commentaire sur mon article concernant le retour d'Inde du Sud...je pense que si tu n'as pas reçu de newsletter, c'est parce que tu n'es pas abonnée à ce blog là..tu l'es à l'autre, celui où je mets des articles différents..celui concernant mes carnets de voyages auquel tu n'es pas abonnée, c'est : http://plinett.eklablog.com


    Bonne journée et bises

    6
    lianne
    Mardi 8 Avril 2014 à 10:32

    Eh bien je vois que ta vie n'était pas rose et je pense qu'avec le temps cela s'atténue mais ne s'oublie pas .Et je me demande aussi comme Aile comment tu as pu te construire avec une enfance pareille .Bonne journée Bises

    7
    Mercredi 9 Avril 2014 à 02:32
    vivrenchine

    Bonjour Lydia

    je continue de lire

    Je te souhaite un très bon mercredi Nos amitiés bises

    Qing&René

    http://mandarinsgz.canalblog.com

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